A l’occasion de la semaine de la francophonie, Cambre Associates a tendu le micro à Pierre Sellal, Ambassadeur et Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne. L’occasion d’évoquer avec lui la place du français dans l’UE et la création du Club de la Presse Francophone qui vient de fêter son premier anniversaire.

Anne-Claude Martin
Senior Media Relations Consultant

Que pensez-vous de la création du Club de la Presse Francophone il y a un an en réaction à l’utilisation croissante de l’anglais au sein des institutions européennes?

Je considère que c’est une initiative très positive mais elle a un côté paradoxal parce qu’il y a 20-30 ans, on n’aurait pas eu l’idée de créer ce Club car le français était la langue de communication à Bruxelles. On n’en avait pas besoin. Aujourd’hui, le français n’est plus la langue dominante mais il est important que le français reste une langue de travail.

Pensez-vous que ce Club va contribuer à défendre l’utilisation de la langue française?

Je crois que pour assurer et défendre la place du français dans le monde, il est important que l’on continue de parler français à Bruxelles. S’il n’y avait que le seul medium anglais, ce serait un appauvrissement pour l’Europe, et pas du tout une facilité pour son travail. Une langue, le français comme les autres langues, véhicule des valeurs, une culture, une vision du monde, elle exprime une certaine pratique. Le Club de la Presse Francophone est donc une bonne chose.

Pour moi, la question est maintenant de faire vivre ce Club : avec des conférences, des rencontres, des points de presse, des briefings. C’est aux organisateurs de vendre leur création. Le lieu – Brussels Press Club – est aussi un lieu pratique car il est à côté des institutions. Je pense que pour le moment, le Club manque de notoriété.

Que pensez-vous de la réaction des députés français qui, à la suite du référendum en faveur du Brexit, souhaitent que le français remplace l’anglais en tant que langue dominante de travail de l’UE?

La demande est assez symbolique. Il s’agit d’une réaction immédiate au référendum. Il ne faut pas en exagérer la portée. L’anglais est tout de même la langue officielle en Irlande et à Malte. Paradoxalement, l’anglais est aussi parlé à l’Eurogroupe alors que le Royaume-Uni ne fait pas partie de la zone euro. Je n’attends pas de changement immédiat, l’anglais restera la langue de travail principale. Mais le Brexit justifie encore davantage que le français en reste une autre et une langue de référence.

Est-ce que selon vous cela reflète une perte d’influence de la France dans l’UE?

Non, l’influence repose d’abord sur la volonté d’être influent. On ne peut pas être influent quand on n’est pas présent, au cœur des politiques, désireux de participer au débat. A cet égard, le Brexit est peut-être la suite logique des opt-out et de la distance prise par le Royaume-Uni par rapport aux politiques européennes. Celui qui est influent, c’est celui qui apporte des idées, des concepts et qui est désireux d’assumer une part de la responsabilité politique. C’est indépendant de la langue que l’on parle.

L’anglais est la langue la plus communément parlée. Mais il y a un degré d’approximation qui est davantage accepté en anglais qu’en français. Le Français n’aime pas les textes en mauvais français, cela décourage parfois ceux dont le français n’est pas la langue maternelle, et c’est très dommage. Les Français doivent se montrer indulgents!